Notre Soleil
Généralités
Le Soleil est l'une des innombrables étoiles de notre Galaxie; à
cet égard, ni sa position ni ses propriétés intrinsèques
ne sont exceptionnelles. Situé aux deux tiers du rayon galactique (à
8,5 kpc du centre galactique), il appartient à un bras spiral semblable
à ceux que l'on observe dans certaines galaxies. Le spectre optique
du Soleil permet par ailleurs de le classer parmi les étoiles naines,
qui sont les plus communes des étoiles de la Galaxie. C'est la proximité
du Soleil qui fait tout l'intérêt de son étude. Son atmosphère,
c'est-à-dire la partie extérieure de l'étoile, est observable
dans ses détails. Les taches solaires , répertoriées
dès le IVe millénaire avant notre ère par les astronomes
chinois, mettent en évidence l'existence d'une activité due
à la concentration de champs magnétiques intenses et donnent
lieu à des éruptions. Très localisée, cette activité
ne perturbe pas (du moins dans les couches les plus profondes de l'atmosphère)
la plus grande partie de la surface du Soleil, que l'on qualifie de normale.
Grâce aux éclipses, on connaît depuis longtemps l'existence,
au-dessus de la photosphère , partie visible du Soleil, de la chromosphère
et de la couronne . Cette dernière région, très chaude,
s'étend jusqu'au vent solaire qui balaye le milieu interplanétaire.
Des
structures de l'ordre de la seconde d'angle (env. 700 km, ce qui correspond
au millième du rayon solaire) peuvent être étudiées
dans chacune des grandes régions mentionnées plus haut. Les
observations spatiales, affranchies des perturbations dues à
l'atmosphère terrestre, permettront progressivement de réduire
cette dimension d'un facteur 10. Par ailleurs, toujours en raison de sa proximité,
nous recevons du Soleil un rayonnement assez intense pour qu'une analyse spectrale
précise puisse être envisagée à toutes les longueurs
d'onde, des rayons gamma au domaine radio, et pour qu'une bonne résolution
temporelle des phénomènes transitoires dont l'atmosphère
solaire est le siège soit possible. Le Soleil apparaît donc comme
un «laboratoire» où la finesse des observations permet
l'étude des mécanismes physiques de base, dans des conditions
généralement impossibles à reproduire sur la
Terre.
L'intérieur du Soleil n'est pas aussi aisément observable puisque,
c'est sa définition, les photons ne peuvent pas en échapper.
Pourtant, deux techniques de la physique solaire, aptes à apporter
des informations expérimentales sur l'intérieur du Soleil, se
sont développées: d'une part, la sismologie solaire , ou héliosismologie
, d'autre part, la mesure du flux des neutrinos. Indépendamment de
ces observations, les modèles d'intérieur d'une étoile
mettent en jeu son âge, sa masse, son rayon et sa luminosité;
le Soleil est la seule étoile pour laquelle ces paramètres sont
mesurables directement et avec une grande précision. Sa masse (1,989
Z 1030 kg, soit 333 000 fois celle de la Terre) est obtenue par l'observation
du mouvement des planètes; son rayon (695 990 km) est déduit
des mesures précises de distance par écho radar, et son rayonnement
total (3,86 Z 1026 W) est mesuré par satellite, hors de l'atmosphère
terrestre. Son âge (4,5 milliards d'années) est estimé
grâce aux mesures de la radioactivité des roches
terrestres et des météorites.
Si le Soleil permet l'étude détaillée de grandeurs et
de phénomènes tout juste détectables dans les autres
étoiles, c'est en revanche l'observation d'étoiles de tous âges
qui a permis de placer le Soleil dans sa séquence évolutive
et de connaître ainsi son histoire et son avenir. Issue d'un nuage de
gaz interstellaire se contractant et s'échauffant jusqu'à l'apparition
de réactions thermonucléaires, une proto-étoile a donné
naissance au Soleil et à l'ensemble du système solaire. Le Soleil
actuel, dont l'énergie provient de la transformation de noyaux d'hydrogène
en noyaux d'hélium, continue à évoluer lentement car
la combustion de l'hydrogène dans ses régions centrales modifie
d'une manière irréversible les équilibres régnant
à l'intérieur de l'étoile. On pense que, dans cinq milliards
d'années environ, le Soleil, devenu une géante rouge, aura un
diamètre cent fois supérieur à son diamètre actuel
et aura porté la Terre à une température de l'ordre de
1 700 kelvins. À travers des phases convulsives, il deviendra une naine
blanche, très dense, avant de s'éteindre définitivement.
1. Composition interne
Les photons formés à l'intérieur du Soleil n'étant
pas observables, il est fait appel, pour obtenir des informations expérimentales
sur l'intérieur du Soleil, à des particules capables de le traverser,
les neutrinos, ou à des phénomènes globaux d'oscillation
qui permettent de sonder le Soleil comme le fait, pour la Terre,
la sismologie. Les données, pourtant, ne peuvent s'interpréter
qu'à travers des modèles de l'intérieur solaire. Si elles
conduisent à modifier les modèles antérieurs, il est
peu probable qu'elles remettent fondamentalement en cause l'image globale
actuelle, obtenue par le calcul des équilibres régissant une
étoile, connaissant la masse, la luminosité, le rayon, l'âge
et la composition chimique photosphérique.
La température du noyau central du Soleil, région occupant un
quart de son rayon, est estimée à 15,5 millions de degrés,
et la densité centrale à cent cinquante
fois celle de l'eau. Cette valeur est relativement faible, comparée
à celle d'étoiles âgées, les naines blanches, dont
la densité est dix mille fois supérieure. Dans ce noyau ont
lieu les réactions thermonucléaires qui fournissent son énergie
au Soleil. L'hydrogène qui, à la surface, représente
71 p. 100 de la masse, est réduit dans le noyau à 34 p. 100
en raison de sa transformation en hélium. Les modèles indiquent
aussi que les réactions nucléaires du cycle proton-proton prédominent
et que celles du cycle du carbone, importantes à températures
plus élevées, n'apportent que 2 p. 100 de l'énergie libérée.
Les rayons gamma et les particules rapides émis par les réactions
thermonucléaires sont immédiatement réabsorbés
et sont à l'origine du flux de chaleur qui se propage vers l'extérieur
de l'étoile par une infinité d'émissions et d'absorptions
de photons. Ces photons, dont la température locale détermine
l'énergie moyenne, sont des rayons X de quelques dixièmes de
nanomètre, puis des ultraviolets et, à la surface, des photons
du domaine visible. Dans les régions, denses, de la zone de transport
radiatif, ils ne peuvent guère parcourir que des distances de l'ordre
du centimètre avant d'être réabsorbés, et, de ce
fait, on estime à environ 10 millions d'années le temps qui
est nécessaire au transport vers la surface de l'énergie libérée
par ce rayonnement. Un autre mode de transport de l'énergie, le transport
convectif, prend le relais du transport radiatif à environ 0,2 rayon
solaire sous la photosphère. À ce niveau, en effet, des mouvements
verticaux à grande échelle se développent et transportent
plus efficacement la chaleur vers le haut. La «signature» de cette
convection est d'ailleurs visible, sous forme de la granulation photosphérique,
à la surface du Soleil.
C'est également par l'étude de la photosphère que l'on
a découvert les oscillations globales auxquelles le Soleil est soumis
et qui comportent un grand nombre de modes oscillatoires différents.
L'étude de ces oscillations permet de tester les modèles d'intérieur
du Soleil. Deux types d'oscillations globales sont étudiés:
celles dont la force de rappel est la gravité, qui n'ont pas encore
été détectées avec certitude en ce qui concerne
l'intérieur du Soleil, et celles dont la force de rappel est la pression,
pour lesquelles on dispose de l'observation de centaines de modes différents.
Pour séparer les modes entre eux, des mesures continues de longue durée
sont nécessaires. Après avoir observé le Soleil plusieurs
jours de suite durant l'été austral en Antarctique, les spécialistes
ont organisé des réseaux internationaux d'instruments au sol
et ont placé des expériences à bord de satellites comme
Soho (solar and heliospheric observatory ). Un des apports essentiels de l'héliosismologie
est la mesure de la rotation à l'intérieur du Soleil.
Au cours des réactions thermonucléaires, des neutrinos sont
émis; ces particules peuvent traverser des quantités considérables
de matière sans être absorbées. On peut obtenir par leur
observation des informations directes sur la température du noyau solaire.
Leurs propriétés rendent évidemment la détection
des neutrinos solaires extrêmement difficile. Il a fallu un réservoir
de 380 000 litres de perchloréthylène C2Cl4 (enterré
dans une mine à 1 590 m de profondeur pour éviter les effets
parasites des rayons cosmiques) pour réussir cette première
mesure, qui ne met en jeu que deux captures de neutrinos par jour. Les résultats
d'une autre expérience (Gallex) ont montré que le flux de neutrinos
est 30 p. 100 moindre que celui qui est prédit par les modèles.
Des modèles modifiés de l'intérieur du Soleil ont été
proposés pour expliquer ce déficit en neutrinos, mais de nombreux
spécialistes considèrent que la solution pourrait venir de la
transformation des neutrinos électroniques initiaux en neutrinos muoniques
ou tau, que ne peuvent pas détecter les expériences actuelles.
La poursuite des mesures des neutrinos solaires permettra certainement de
résoudre cette énigme; en tout état de cause, elle ne
manquera pas de faire progresser notre connaissance de l'intérieur
de l'étoile, avec l'aide de la sismologie solaire.
2. Son Atmosphère
Photosphère
La photosphère pourrait être définie comme la surface
du Soleil telle que l'oil la voit, mais cette définition n'est que
très approximative car l'atmosphère d'une étoile est
continue, et chaque longueur d'onde y pénètre à une profondeur
différente. La température effective de la photosphère,
de 5 780 kelvins, explique la couleur blanc-jaune perçue par l'oil.
Outre les taches solaires, l'observation en lumière blanche (c'est-à-dire
sans analyse spectrale), avec une bonne résolution angulaire, montre
l'existence de fluctuations de brillance, connues depuis le début du
XIXe siècle, couvrant toute la surface du Soleil. La granulation solaire
est en fait formée de polygones brillants dont la dimension est de
l'ordre de 1,4 seconde d'angle (soit 1 000 km), séparés les
uns des autres par un réseau de fines régions sombres. La durée
de vie de chaque granule est de quelques
minutes, et l'étude cinématographique montre le caractère
dynamique de ces structures qui sont liées, nous l'avons vu, à
l'affleurement dela zone convective sous-jacente.
Le rayonnement continu de la photosphère s'assombrit nettement du centre
vers le bord du disque solaire. Les rayons issus de régions proches
du bord traversent l'atmosphère sous incidence oblique et sont, de
ce fait, plus absorbés à une altitude donnée que les
rayons observés au centre. Ils pénètrent moins profondément
dans la photosphère que ces derniers. L'assombrissement au bord indique
donc une décroissance de la température avec l'altitude, en
continuité avec l'intérieur de l'étoile. L'ensemble du
spectre de la photosphère permet la construction de modèles
moyens de la température et de la densité en fonction de l'altitude.
La photosphère est la région du Soleil où la composition
chimique peut être déterminée avec le plus de précision
car plusieurs milliers de raies d'absorption, les raies de Fraunhofer , sont
identifiables: ce sont des raies atomiques ou moléculaires dont l'intensité
absolue permet de connaître le nombre d'atomes absorbants et de déduire
l'abondance de l'élément concerné. L'abondance des éléments
lourds d'une étoile reflète l'histoire de leur création
par nucléosynthèse.
Deux autres caractéristiques essentielles de la photosphère
peuvent être étudiées grâce aux raies. D'une part,
par déplacement Doppler-Fizeau des longueurs d'onde, le champ de vitesse
peut être mesuré avec beaucoup de précision. C'est, en
particulier, la base de la sismologie solaire. En outre, certaines raies sont
séparées par effet Zeeman en plusieurs composantes polarisées:
des mesures du champ magnétique sont donc possibles. Dépassant
0,4 tesla dans certaines taches, les champs magnétiques pourraient
aussi atteindre des valeurs élevées dans la photosphère
calme, dans des domaines inférieurs à la seconde d'angle. Le
magnétisme solaire est essentiel car il est non seulement responsable
de toute l'activité solaire, mais il détermine aussi pour une
bonne part la structure et la physique de l'atmosphère normale.
Chromosphère
Les observations lors d'éclipses indiquent qu'immédiatement
au-dessus de la photosphère existe une région d'environ 1 500
kilomètres d'épaisseur, la chromosphère, dont la température,
à l'inverse de celle de la photosphère, croît avec l'altitude.
Un mécanisme de chauffage, probablement par dissipation d'ondes, permet
d'expliquer cette remontée de la température. Le minimum de
température, situé entre la photosphère et la chromosphère,
est observé en infrarouge et en ultraviolet, et correspond à
environ 4 300 kelvins. En dehors des éclipses, diverses techniques
(spectrohéliographie ou utilisation de filtres interférentiels)
permettent l'obtention d'une image de la chromosphère sur le disque
dans les raies fortes telles que les raies H et K du calcium ionisé
(à 396,7 nm et 393,3 nm) ou la raie Ha de l'hydrogène à
656,3 nanomètres. L'aspect de la chromosphère en Ha est fortement
hétérogène. Des spicules , structures verticales d'un
diamètre de l'ordre de 1 000 kilomètres, bordent des régions
de 40 000 kilomètres de diamètre environ. Ce quadrillage de
l'atmosphère solaire normale correspond au réseau chromosphérique
brillant dans les raies H et K du calcium ionisé. Il est observé
également au niveau de la photosphère: appelé «supergranulation»,
il est caractérisé par un écoulement de matière
du centre vers le bord des cellules avec des vitesses horizontales de l'ordre
de 0,3 à 0,5 km/s. Une faible vitesse verticale est détectée
au centre des supergranules. La durée de vie des cellules de supergranulation
est de quelques heures (cent fois supérieure à celle des granules).
Alors que les granules n'ont apparemment pas de liaison avec le champ magnétique,
les mesures du champ photosphérique indiquent une nette augmentation
du champ en bordure de la supergranulation, par concentration du champ magnétique
à cet endroit. C'est d'ailleurs aux nouds du réseau chromosphérique
que naissent les régions actives. Le mécanisme créant
la supergranulation et le réseau chromosphérique n'est pas éclairci,
mais, en raison de son échelle horizontale plus grande que celle des
granules, son origine se situe certainement dans des mouvements convectifs
subphotosphériques plus profonds que ceux qui sont liés à
la granulation.
Transition chromosphère-couronne
Alors que les gradients verticaux de température dans les régions
interspiculaires de la chromosphère sont de l'ordre de 10 kelvins par
kilomètre, ils deviennent brusquement cent fois plus grands à
2 000 kilomètres d'altitude. C'est là, en effet, que l'influence
de la couronne commence à être sensible, un flux conductif important
chauffant toute la région de transition chromosphère-couronne.
Cette partie de l'atmosphère solaire est difficilement observable dans
le domaine visible, car les raies du spectre d'éclipse s'affaiblissent
quand la température croît et que la densité diminue.
Les modèles de la zone de transition proviennent principalement des
observations de raies ultraviolettes et du continuum radioélectrique.
L'intensité de ce dernier indique des températures s'échelonnant
de 10 000 kelvins à 2 centimètres de longueur d'onde, à
près d'un million de kelvins pour une longueur d'onde de 1,5 m. De
même, les raies ultraviolettes qui proviennent, près de la chromosphère,
d'éléments peu ionisés, tel le silicium une fois ionisé
(Si II), sont, près de la couronne, des raies d'atomes très
ionisés, tel le silicium neuf fois ionisé (Si X), les différents
états intermédiaires étant successivement présents.
Les spicules traversent toute cette région, atteignant la base de la
couronne à des altitudes de 10 000 à 15 000 kilomètres.
Les mouvements du réseau chromosphérique se prolongent ainsi
dans la région de transition avec des vitesses ascendantes au centre
des cellules et des vitesses descendantes à leur périphérie.
L'ordre de grandeur de ces vitesses est de quelques kilomètres à
la seconde. L'atmosphère solaire est donc loin d'être statique,
même si la composante normale paraît globalement stationnaire.
Couronne
L'étude de la couronne s'est faite, pendant de nombreuses années,
lors d'éclipses ou à l'aide d'un instrument, le coronographe,
créant une éclipse artificielle de la photosphère. Pourtant,
en 1973, les images en rayons X obtenues à partir de la station orbitale
habitée Skylab ont profondément
Notre
soleil ce jour...
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modifié l'approche
que l'on pouvait avoir de la physique coronale, car, contrairement aux observations
précédemment citées, ces images montraient l'aspect de
la couronne sur le disque et non plus seulement au-dessus du bord . Sur ces
images en rayons X, ainsi que sur celles qui ont été obtenues
ultérieurement à partir de fusées-sondes ou de satellites,
la couronne apparaît en grande partie formée d'arches. Ces arches
étant dominées par le champ magnétique d'une région
active solaire, ou même reliant deux régions actives entre elles,
la distinction entre composante normale et activité est peu pertinente
au niveau coronal. Dans d'autres régions, où le champ magnétique
est ouvert sur le milieu interplanétaire, on a observé en X
des trous coronaux dont les propriétés physiques diffèrent
notablement de celles des arches. Les trous coronaux occupent les pôles
du Soleil en permanence, et ils peuvent s'étendre vers les latitudes
les plus basses. Ils sont moins denses et moins chauds (800 000 K) que les
arches, dont la température est de 1,5 à 2 millions de kelvins.
Cela explique leur émissivité moindre en rayons X.
Le chauffage de la couronne reste encore un problème ouvert. Pendant
de nombreuses années, la couronne étant considérée
comme relativement homogène, le mécanisme le plus probable semblait
être un chauffage par dissipation des ondes de choc acoustiques créées,
sous la photosphère, par la turbulence de la zone convective. Des observations
et des calculs théoriques ont montré pourtant que ces ondes
n'avaient aucune chance d'atteindre la couronne. Depuis la découverte
des arches coronales, d'autres mécanismes ont été proposés,
qui font appel soit à la dissipation d'ondes ayant pour support le
champ magnétique des arches, soit au dépôt d'énergie
liée à l'évolution du champ magnétique lui-même
ou à la dissipation de courants électriques.
D'autres structures coronales, connues, quant à elles, depuis le Moyen
Âge grâce aux observations d'éclipses, sont des régions
plus froides et plus denses que la couronne environnante: il s'agit des protubérances.
Leur spectre est, de fait, proche de celui de la chromosphère. Les
protubérances ont la forme de lames verticales de quelques milliers
de kilomètres d'épaisseur, dont la longueur peut atteindre un
demi-rayon solaire lorsqu'elles sont proches des pôles. Leur hauteur
est de l'ordre de 50 000 kilomètres. Les protubérances peuvent
durer quelques semaines, mais elles sont quelquefois perturbées et
oscillent. Elles peuvent alors disparaître brusquement pour se reformer
plus tard au même endroit. Elles sont fondamentalement liées
à la présence de configurations magnétiques bien spécifiques,
qui expliquent leur stabilité et les isolent thermiquement de la couronne.
Au-dessus des protubérances, des jets coronaux, structures magnétiques
ouvertes, à température coronale, mais dix fois plus denses
que la couronne moyenne, peuvent être suivis au-delà de dix rayons
solaires de la surface. La couronne proprement dite cède la place,
à grande altitude, au vent solaire par accélération de
la matière jusqu'à des vitesses de 300 à 700 kilomètres
par seconde. Si le mécanisme d'accélération du vent solaire
est maintenant bien étudié, la localisation verticale de la
transition, qui d'ailleurs dépend de la structure coronale sous-jacente,
n'est pas complètement précisée.
3. Son Activité
Régions actives
Les taches solaires sont la manifestation la plus évidente de l'activité
du Soleil. Certaines, visibles à l'oil nu, ont été observées
depuis fort longtemps en Chine, mais c'est l'invention du télescope,
au début du XVIIe siècle, qui en a permis l'étude systématique.
Dès cette époque, Galilée, Johann Fabricius et Christoph
Scheiner ont découvert la rotation du Soleil. Les taches ne sont pas
réparties uniformément sur le Soleil: elles sont généralement
situées de part et d'autre de l'équateur solaire, entre les
latitudes 300 nord et sud. L'observation de taches situées à
différentes latitudes montre que le Soleil a une période de
rotation de 27,1 jours à 100 de l'équateur et de 28,5 jours
à 300. Cette rotation différentielle est un phénomène
global d'une grande importance pour la compréhension de l'activité
solaire.
La partie centrale des taches (l'ombre) est moins lumineuse que le reste de
la photosphère car elle est moins dense et plus froide (4 200 K) que
l'atmosphère normale (5 800 K). La pénombre qui entoure l'ombre
est une région de transition dont la température n'est inférieure
que de 300 à 500 kelvins à celle de la photosphère. Les
différences de conditions physiques entre la tache et la photosphère
normale sont dues à des champs magnétiques très forts
(plusieurs dixièmes de Tesla) qui bloquent le transport convectif de
l'énergie dans les régions subphotosphériques.
Les taches ne sont pas isolées. Elles sont l'une des composantes des
régions actives, qui peuvent posséder un grand nombre de taches
et de protubérances. Des facules, plages brillantes bien visibles au
niveau chromosphérique, sont aussi observées dans les régions
actives. Les régions actives sont en évolution permanente, naissant
et disparaissant à l'échelle de quelques jours ou de quelques
mois. Apparaissant d'abord sous forme de petits pores sombres, les taches
peuvent ne jamais se développer complètement: c'est le cas des
régions actives éphémères, petites régions
bipolaires bien visibles sur les images en rayons X, où elles sont
vues sous forme de points brillants . Comme le montre l'image en rayons X
acquise depuis Skylab, les points brillants couvrent l'ensemble du Soleil,
y compris les zones proches du pôle, contrairement aux taches plus grandes.
Les taches sont dues à l'émergence, au niveau de la photosphère,
de boucles de champ magnétique transportées par la convection.
C'est l'apparition de nouveaux tubes de champ, ou au contraire la dispersion
des structures existantes, qui détermine l'évolution de la région
active. La rotation différentielle joue, à cet égard,
un rôle destructeur, en dispersant lentement, après la disparition
des taches, les facules et les protubérances restantes.
Phénomènes éruptifs
Les éruptions dans une région active correspondent à
la libération brusque (en quelques minutes) d'une énergie importante
(jusqu'à 1025 joules). Cette libération d'énergie donne
lieu à l'échauffement du plasma (108 K) et à l'accélération
de particules (électrons, protons, ions). On détecte alors des
émissions intenses dans tout le domaine spectral, depuis les rayons
X jusqu'aux ondes radioélectriques. La propagation
des ondes radio est trés perturbées à ces occasions
d'éruptions. Certaines éruptions particulièrement intenses
donnent également lieu à des émissions de rayons gamma
(l S 0,1 nm) par interaction des noyaux accélérés avec
les couches de la basse atmosphère solaire. Électrons et protons
accélérés peuvent s'échapper de l'atmosphère
solaire et être détectés dans le milieu interplanétaire.
Des éjections de matière coronale (les transitoires coronaux,
ou CMEs, pour coronal mass ejections ) accompagnent souvent les éruptions
mais peuvent aussi être déclenchées par des filaments
déstabilisés. Des observations en rayons X effectuées
par le satellite japonais Yohkoh, lancé en 1991, ont montré
que le champ magnétique d'une grande partie de la couronne peut se
restructurer différemment au cours de ces phénomènes.
Des ondes de choc sont souvent observées dans le milieu interplanétaire
en association avec les transitoires coronaux.
Les centres les plus actifs sont ceux dont la complexité magnétique
est grande, et l'on dispose, par l'observation des taches (en particulier
lorsqu'une nouvelle polarité apparaît aux abords de la tache),
de méthodes de prévision d'une éruption imminente de
grande ampleur. Mais, à côté des événements
spectaculaires venant perturber l'atmosphère terrestre, existent un
grand nombre d'éruptions très faibles qui d'ailleurs échappent
souvent à l'observation. Les petites régions actives éphémères
sont elles-mêmes le siège d'éruptions.
Une éruption est un phénomène complexe, à la fois
dans sa géométrie et dans sa séquence temporelle. Pour
tenter de comprendre son mécanisme, on doit observer toutes les longueurs
d'onde simultanément, avec une bonne résolution temporelle et
spatiale. Cela a été possible à partir de 1980 par la
conjonction de mesures au sol en optique et en radioastronomie, et grâce
au lancement d'un satellite de la N.A.S.A. (S.M.M.: Solar Maximum Mission)
spécialement conçu pour l'étude des éruptions.
Si le détail des processus ayant lieu dans l'éruption est encore
mal connu, l'accord est général sur l'origine magnétique
de l'énergie libérée pendant l'éruption. On pense
souvent que les structures magnétiques de la région où
l'éruption a lieu ont été déformées au
cours de l'évolution de la région active, emmagasinant ainsi
de l'énergie qui peut être libérée par retour du
champ magnétique vers une configuration plus simple.
Cycle solaire
L'activité solaire n'est pas constante au cours du temps. On observe
en moyenne la présence d'un grand nombre de centres actifs durant des
périodes se répétant tous les onze ans. La montée
de chaque cycle, qui dure quatre ans et demi, est nettement plus rapide que
sa descente (six ans et demi). La périodicité est en réalité
de vingt-deux ans: l'ordre des polarités des taches appartenant à
un groupe bipolaire, qui reste, pour chaque hémisphère (Nord
ou Sud) du Soleil, identique pendant onze ans, s'inverse au cycle suivant.
L'étude de la position des taches indique par ailleurs que la latitude
d'apparition des centres actifs, de 30 degrés environ au début
du cycle de onze ans, décroît ensuite et n'est en moyenne que
de l'ordre de 10 degrés en fin de cycle. Simultanément, les
taches liées au cycle suivant commencent à apparaître
à plus haute latitude.
L'activité solaire et le cycle sont liés à la régénération
du champ magnétique à l'intérieur du Soleil, dans une
région probablement localisée à l'interface entre la
zone de transport radiatif et celle de transport convectif. Les courants électriques
(l'intérieur du Soleil est conducteur) y produisent un effet dynamo
auto-entretenu et oscillant avec une période de vingt-deux ans. Notons
que la rotation différentielle (le Soleil, nous l'avons vu, ne tourne
pas comme un solide) est un ingrédient important de ce phénomène.
4. Les effets Soleil-Terre
Les effets de l'activité solaire sur la haute atmosphère terrestre
et le proche environnement spatial sont aujourd'hui bien connus, même
si la physique des processus complexes qui sont mis en jeu doit encore être
approfondie. Ces effets sont particulièrement spectaculaires lors des
grandes éruptions. Les vecteurs impliqués sont de trois sortes:
le rayonnement électromagnétique, les particules ionisées
et les perturbations dues au vent solaire. Les rayons X et ultraviolets parviennent
au niveau de l'orbite terrestre huit minutes après un événement
et perturbent l'hémisphère éclairé de la Terre;
ils modifient, en particulier, l'état d'ionisation de l'ionosphère
et troublent les télécommunications radioélectriques.
Les protons solaires, qui se propagent à une vitesse dix fois moindre
que celle de la lumière, atteignent la Terre
une heure environ après l'éruption. Comme ils emplissent tout
le milieu interplanétaire, leur présence reste notable durant
plusieurs jours. Ils peuvent créer des anomalies dans le fonctionnement
du matériel embarqué à bord des satellites (en particulier,
celui des micro-ordinateurs) et éroder les panneaux solaires; des astronautes
peuvent être soumis à une irradiation dangereuse sur une orbite
passant à hautes latitudes (ou lors d'un voyage vers la Lune ou vers
Mars). Enfin, les perturbations dues au vent solaire, et en particulier les
ondes de choc interplanétaires, arrivent en moyenne deux jours après
l'éruption et déclenchent des orages géomagnétiques
dont les aurores polaires sont la manifestation
visible. Le champ magnétique terrestre perturbé peut avoir au
sol des conséquences importantes (et coûteuses) sur la distribution
du courant électrique, le fonctionnement des réseaux téléphoniques
et informatiques, la perturbation des ondes radio
et aussi entraîner une érosion des pipelines.
Selon les théories actuelles, les variations des paramètres
de l'orbite et de l'inclinaison de l'axe de rotation terrestres sont à
l'origine des grandes glaciations que la Terre a connues. En revanche, un
éventuel effet de l'activité solaire, sans être totalement
écarté, n'est toujours pas démontré. Un apport
essentiel à cette question provient des mesures de la «constante
solaire», c'est-à-dire du flux total d'énergie reçue
du Soleil. Contrairement à ce qui se produit à certaines longueurs
d'onde (domaines radio, ultraviolet ou X), ce flux varie très peu avec
l'activité solaire: le satellite S.M.M. a mesuré entre le minimum
et le maximum d'un cycle une variation moyenne de l'ordre de deux millièmes.
Si les modèles globaux des interactions thermiques entre l'atmosphère,
les océans et les continents deviennent suffisamment précis,
on pourra estimer l'impact de cette variation, liée à l'activité
solaire, sur le climat. Les mesures des radio-isotopes dans les carottes de
glace prélevées par forage dans les régions polaires
permettent d'analyser plus directement le climat et l'activité solaire
au cours des derniers millénaires. Les résultats obtenus tendraient
à montrer qu'il n'existe pas d'effet systématique de l'activité
solaire sur le climat.